Clermont-Ferrand - AFP
Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a débouté la demande de reconnaissance en maladie professionnelle d'un ancien salarié de l'Institut de la recherche agronomique (Inra), décédé en 2013 d'une maladie du sang qu'il estimait avoir contracté après avoir utilisé des pesticides toute sa carrière, selon une décision de justice communiquée lundi à l'AFP.
Les juges ont considéré "qu?au vu des données actuellement admises de la science, il n'existait pas de probabilité suffisante que le syndrome myélodysplasique" - une anomalie de la moelle osseuse entraînant une hémopathie - "qui a affecté l'agent soit en lien direct avec son activité professionnelle", écrit le tribunal dans un communiqué de presse.
Bernard Bonnemoy a travaillé pendant 30 ans comme technicien de recherche sur les sites de Crouël, dans la banlieue de Clermont-Ferrand, et de Theix. Il fut notamment responsable des traitements phytosanitaires sur le domaine et pour les expérimentations extérieures de 1983 à 1996.
En février 2013, les médecins lui diagnostiquent un syndrome myélodysplasique, dont il décèdera six mois plus tard à 52 ans.
Lui-même avait initié une procédure de reconnaissance en maladie professionnelle et celle-ci avait été refusée post-mortem, en janvier 2014 par l'Inra, après avis de la commission de réforme de la Sécurité sociale et d'un expert médical.
"Je vais proposer à la famille de faire appel de cette décision, qui ne tient pas compte d'éléments qui nous paraissaient sérieux", a réagi lundi soir Me François Lafforgue, citant une étude d'octobre 2014 prouvant, dit-il, "le lien entre le syndrome myélodysplasique et l'utilisation des pesticides".
Selon cet avocat spécialisé dans la reconnaissance des maladies professionnelles, l'ancien salarié "était le nez dans les pesticides".
"Il avait été exposé autant, voir plus qu'un agriculteur car il utilisait neuf mois de l'année, 10 heures par jour, des produits phytosanitaires, dont certains contenaient du benzène et dont le lien avec les maladies professionnelles est aujourd'hui reconnu", avait-il expliqué, fin mars, lors de l'audience devant le tribunal.
"Si le benzène est cité dans la littérature scientifique comme favorisant la survenue de tels syndromes", le tribunal a toutefois estimé "qu'il n'apparaissait pas que (M. Bonnemoy) ait été exposé à des doses significatives de benzène à l'occasion de l'utilisation" d'un des produits mis en cause, selon ce même communiqué.
Le tribunal a également relevé qu'un autre des produits pointés du doigt, "contenait non pas cette molécule mais l'un de ses dérivés, dont le rôle dans l'apparition desdits syndromes n'est pas évoqué en l'état actuel des connaissances scientifiques".
"C'est le serpent qui se mord la queue: très peu d'études sont faites sur le sujet et quand il y en a, on les écarte car on estime que ce n'est pas encore suffisant", a encore déploré Me Lafforgue.
Contacté par l'AFP, l'Inra n'était pas joignable dans l'immédiat pour réagir.