Casablanca - Le Maroc Aujourd’hui
Souvenez-vous de l’année 2012. Le gouvernement d’Abdelilah Benkirane venait d’arriver aux affaires. Mais l’Exécutif précédent avait déjà pris le soin de faire adopter la Loi de finances de l’année, tout en soldant les comptes 2011 sur un état catastrophique: 6,2% de déficit budgétaire.
Le gouvernement a même dû opérer des coupes budgétaires pour faire face aux dépenses de la compensation de plus de 63 milliards de dirhams durant une année où la différence entre dépenses et recettes a représenté 7,1% du PIB.
Trois ans plus tard, la donne a complètement changé. Pour son dernier exercice budgétaire, le gouvernement part sur des bases plus saines. En présentant le Projet de Loi des finances devant la presse, vendredi 23 octobre, Mohamed Boussaid ne cachait pas sa satisfaction sur la situation des comptes publics: un déficit budgétaire qui continue à se résorber (4,3% du PIB 2015) et un déficit commercial en recul de 22%.
Une embellie qui permet à l’Exécutif d’entamer plus sereinement la dernière ligne droite de son mandat et lui donne une certaine marge de manœuvre pour accentuer les mesures sociales, levier important pour une année électorale.
Ainsi la politique de rigueur budgétaire prônée au cours de ces trois dernières années par le gouvernement a été visiblement mise en sourdine. Le gouvernement se montre désormais assez généreux avec certains secteurs sociaux. A leur tête, la fonction publique pour laquelle est prévue la création de 26.000 postes budgétaires, soit 3500 de plus par rapport à l’année en cours.
«Cette augmentation des postes de travail à créer dans la fonction publique contraste avec les orientations de Benkirane exprimées dans sa lettre de cadrage appelant ses ministres à réduire le recrutement au strict minimum», nous explique un économiste. A-t-il dû finalement se plier aux exigences de ses alliés politiques?
Le grand chantier de développement du monde rural, annoncé par le roi dans le dernier discours du Trône, est un autre axe social du projet de loi de Finances. Pour appliquer les instructions royales visant à désenclaver et à équiper quelque 29.000 douars, l’Exécutif devrait débloquer sept milliards de dirhams, une première tranche de ce programme titanesque estimé à 50 milliards de dirhams. Les enjeux de la gestion et de la répartition de ces fonds ne devraient donc pas manquer d’attiser la convoitise des politiques.
Ce projet de budget intervient par ailleurs au cours d’une année marquée par l’entrée en vigueur de la régionalisation avancée. Pas moins de quatre milliards de dirhams seront mobilisés ainsi pour épauler les nouvelles régions dans leur structuration et dans leurs projets d’investissements. Une manne considérable pour les fraîchement élus présidents de région pour consolider leur ancrage politique.
Outre les fonctionnaires et le monde rural, le projet de budget présenté par le gouvernement a cherché également à répondre à certaines des revendications du patronat. Bien qu’il n’ait pas été en mesure de satisfaire la plupart de leurs doléances, le gouvernement a introduit dans ce projet de loi le remboursement de la TVA sur les biens d’équipements, et ce au-delà des trois ans d’exonération dont jouissent les nouvelles sociétés.
«Par cette mesure, l’Etat veut stimuler l’investissement privé qui bat de l’aile comme l’indique la rareté des dossiers de crédit d’équipement instruits par les banques», explique un spécialiste. Une autre mesure consiste en la révision du programme de l’IS (Impôt sur les sociétés), mais elle ne fait pas vraiment l'unanimité…
Mis à part ces quelques aménagements dictés par une conjoncture électorale, la structure budgétaire reste inamovible. Les économies réalisées sur le budget de la compensation sont redéployées vers les investissements publics.
Mais le train de vie de l’Etat reste encore assez élevé : la masse salariale continue de peser lourd tout autant que les dépenses de matériel. Et les départements budgétivores ne bougent pas d’un iota : l’Education, la Défense et l’Intérieur sont toujours sur le podium.
En définitive, le Projet de Loi des finances 2016 reste assez conforme à la politique de maîtrise budgétaire qu’applique le royaume depuis une bonne décennie déjà…