Paris - Maroc Aujourdhui
Les discours de haine se multiplient sur internet, s'alarme la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui tacle le "manque d'efficacité des politiques et des moyens mis en oeuvre".
"Une fois de plus les événements tragiques de janvier 2015 ont entraîné la prolifération des discours de haine sur la toile, dont une infime partie seulement a fait l'objet de poursuites pénales", déplore la CNCDH dans son rapport annuel publié jeudi.
La raison est à chercher du côté d'un "sentiment d'impunité provenant d'une présence trop faible des autorités publiques sur le web": "l'Etat doit impérativement définir une politique pénale volontariste et ambitieuse en y consacrant des moyens suffisants".
Apologie du terrorisme, théories complotistes ou négationnistes, attaques racistes, antisémites... Ces contenus pullulent sous la forme de vidéos, de posts sur les réseaux sociaux ou de commentaires et "il y a une pénétration très forte dans les écoles, les universités", note le président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) Sacha Reingewirtz.
Selon un sondage Opinionway pour l'UEJF publié en février, 21% des Français de 25 à 34 ans considèrent que la version officielle des attentats parisiens contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher n'est pas crédible.
Aujourd'hui, les internautes ont plusieurs possibilités pour signaler des contenus haineux: pointdecontact.net, créé par l'association des fournisseurs d'accès et de services internet (AFA) en 1998, la plateforme Pharos du ministère de l'Intérieur (www.internet-signalement.gouv.fr), le site internet de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra).
- Des moyens pour Pharos -
En 2014, Pharos a enregistré 137.456 signalements de contenus illicites, contre un peu plus de 100.000 en 2011. Les signalements pour xénophobie et discrimination ont grimpé de 41% en deux ans et depuis les attentats, ils ont grimpé en flèche.
La Licra a reçu pour sa part 1.728 signalements de contenus haineux sur internet l'an dernier, soit 25% de plus qu'en 2013. Depuis janvier, 537 signalements lui sont déjà parvenus dont 200 pénalement qualifiables. Quant à l'AFA, elle a compilé 1.665 signalements pour contenus racistes, xénophobes, faisant la promotion de la violence ou du terrorisme en 2014, dont 125 manifestement illégaux.
Principal outil, "Pharos fait un travail remarquable" mais la plateforme "n'a pas du tout les moyens pour s'attaquer à l'importance du cancer qui gangrène notre société", estime le président de la Licra Alain Jakubowicz. Elle est "totalement inadaptée quantitativement", renchérit la présidente de la CNCDH Christine Lazerges.
"Le web dépasse les frontières physiques", souligne M. Jakubowicz, appelant à une "conférence internationale sur la question".
En février, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'est rendu aux Etats-Unis pour appeler les géants d'internet comme Apple, Google, Twitter ou Facebook à étudier toutes les possibilités pour empêcher les groupes jihadistes d'utiliser ces plateformes pour leur propagande.
Dans la foulée, le président François Hollande avait estimé, lors du dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), que "si vraiment les grands groupes d'internet ne veulent pas être complices du mal, ils doivent participer à la régulation". "Nous fixerons un cahier des charges clair et précis avec ces géants d'internet et je vous assure que nous contrôlerons son application", avait-il assuré, promettant de renforcer par ailleurs les moyens de Pharos.
"Le net n'est pas une zone de non-droit", rappelle la présidente de la CNCDH. S'il "ne peut y avoir de contrôle a priori", il convient selon elle de simplifier les démarches de signalements. L'institution recommande qu'une autorité administrative indépendante "réactive et innovante", comme l'est le web, s'empare de ces sujets. Elle conseille aussi l'adoption d'un plan d'action national portant notamment sur l'éducation et la citoyenneté numérique.
La Source: AFP