Los Angeles - AFP
En Californie, où une sécheresse historique fait rage depuis quatre ans, les plus riches sont en ligne de mire, accusés de gaspiller le plus d'eau avec leurs opulentes pelouses et leurs vastes piscines.
Lorsque l'on se promène dans la municipalité aisée de Beverly Hills, qui jouxte Los Angeles, il n'est pas rare de voir en pleine journée des systèmes d'arrosage marcher à plein régime alors que le soleil est à son zénith, déversant la moitié de l'eau dans le caniveau.
C'est encore plus frappant au milieu du désert californien, dans les municipalités fortunées de Palm Springs ou Palm Desert, où se succèdent golfs, vastes pelouses verdoyantes et propriétés cossues, dont les arrosages en plein soleil forment des arcs-en-ciel avec l'évaporation.
Stephanie Pincetl, enseignante en Sciences de l'environnement à l'université UCLA, est co-auteure d'une étude montrant que les quartiers les plus riches consomment le plus d'eau par tête, "notamment parce que les propriétés sont plus grandes" et comportent le plus de grandes pelouses décoratives.
Pour la chercheuse, cela pose une question morale: "Juste parce que vous possédez plus de terrain, cela vous donne-t-il le droit d'utiliser plus d'eau? Parce que l'eau avec laquelle ils arrosent les plantes c'est autant qu'aucun de nous ne pourra boire dans les mois à venir", souligne-t-elle.
Face à l'épuisement rapide des réserves d'eau de la Californie, le gouverneur Jerry Brown vient d'annoncer pour la première fois dans l'histoire de cet Etat de l'ouest américain des restrictions de consommation d'environ 25% en moyenne.
Les résidents de municipalités très gourmandes en eau comme Beverly Hills, surnommée la "ville jardin", pourraient se voir imposer de couper 35% de leur consommation.
- Tarification par paliers -
"35% c'est vraiment beaucoup, et je m'inquiète de savoir quelles mesures nous allons devoir appliquer pour y parvenir", fait valoir Trish Ray, assistante du directeur des grands travaux à Beverly Hills.
Elle assure que la municipalité a déjà réduit sa consommation d'eau de "14% en cinq ans" et que "les citoyens comprennent que les choses ont changé" par rapport à l'époque où l'eau coulait à flots.
Pour Stephanie Pincetl, il va falloir avant tout revoir les systèmes de tarification, en faisant payer plus cher l'eau utilisée "dehors", pour arroser les jardins et remplir les piscines, par rapport à l'eau utilisée "dedans", pour se laver ou cuisiner.
Une autre solution serait une tarification progressive: plus on utilise d'eau plus elle devient chère, par paliers: "les gens les plus riches peuvent payer plus car ils consomment plus", estime cette chercheuse.
Il sera difficile cela dit de contrôler véritablement ce que font les gens: "c'est comme pour les limitations de vitesse. S'il n'y a pas un agent derrière vous, c'est à vous que revient la responsabilité de les observer", remarque-t-elle.
Il sera donc très important d'expliquer à la fois pourquoi ces mesures sont imposées et comment les appliquer: "les gens ne savent pas combien ils utilisent d'eau. Nous devons leur expliquer clairement quand ils peuvent arroser, combien de temps etc".
Elle souligne qu'il est plus facile de mettre les villes à contribution par rapport à des secteurs comme l'agriculture, qui consomme de loin le plus d'eau en Californie, mais dont dépendent de très nombreux emplois et l'approvisionnement bon marché de tout le pays en fruits et légumes frais.
Elle note toutefois que l'industrie pétrolière, très gourmande en eau pour la fracturation hydraulique, pourrait être mise à contribution.
Au quotidien, tout Californien peut prendre de petites mesures qui peuvent sur le grand nombre changer les choses: "prendre une douche plus courte, ça ne va pas vous gâcher la journée", sourit-elle.
Onésimo Jáuregui, jardinier, détaille lui la façon dont de petits changements techniques peuvent faire la différence: "il vaut mieux programmer les systèmes d'arrosage automatique pour 3 ou 4 heures du matin, chaque horloge peut-être minutée précisément".
Quant au choix des plantes, il recommande de dire adieu aux pelouses et fleurs pour adopter les plantes du désert: cactus, succulentes et autres agaves, dont les formes organiques et les couleurs allant du vert pale au violet en passant par le gris bleuté s'accordent avec le ciel azur de la Californie.