Casablanca - Le Maroc Aujourd’hui
« Est luxueux tout ce qui n’est pas indispensable mais délectable s’il est sensible à la grâce » affirmait l’économiste et écrivain Jean Castarède. Une définition qui sied parfaitement au monde des accessoires, et particulièrement des sacs, chouchous des maisons de mode. On a voulu en savoir plus sur la genèse de l'un de ces objets du désir. Jason Wu, le directeur artistique de Boss, nous a accompagnés.
Durant vingt ans, de 1994 à 2013, les ventes mondiales de maroquinerie ont connu des hausses annuelles de 8 à 11%, soit plus du double que le reste du marché du luxe (1) et ce, malgré la crise.
Outre une avidité à ouvrir ce qui est considéré comme l’une des portes d’entrée du luxe, la raison de cette croissance insolente était due à une offre grandissante. De la plus petite marque à la plus luxueuse maison, pas une ne manquerait à l’appel du sac.
Comment résister à un marché qui accueille dix millions de nouveaux consommateurs chaque année (2) ? Pourtant, malgré un chiffre d’affaires de 224 milliards d’euros l’année dernière pour le luxe (3), il semble que les attentes des femmes aient changé en matière de sacs. La raison ?
Tout comme le phénomène defast fashion, changeante et peu chère, s’essouffle, les consommatrices sont en quête d’autre chose : investir, d’accord (de nombreuses maisons ont fait grimper leurs prix pour, justement, surclasser l’offre exponentielle et maintenir une étiquette « luxe ») mais pas dans n’importe quoi.
En clair, à côté des accessoires saisonniers, elles veulent des valeurs sûres. De l’intemporel qui ne restera pas sur le carreau du style au bout de six mois, de belles matières, une vraie qualité, une histoire plus riche qu’une simple inspiration du moment.
Bref, du sens, de l’authenticité, de la vérité – il suffit de voir le succès des sacs griffés vendus sur le marché de l’occasion ou aux enchères pour s’en convaincre. Le tout saupoudré, lorsque c’est possible, d’une touche de personnalisation, luxe ultime qui flatte l’ego.
Imaginer un accessoire qui ne soit ni ennuyeux ni « démodable », à la fois beau et fonctionnel et qui s’adapte, non seulement à la vie, mais aussi à la personnalité de sa propriétaire si elle le désire.
Voilà donc le challenge (qui vaut aussi pour certaines pièces maîtresses du vestiaire féminin ou masculin) des maisons de mode aujourd’hui. « Un sac à main est si incroyablement important pour une femme aujourd’hui, commente Jason Wu, directeur artistique de Boss.
Certes, c’est un objet de luxe, mais c’est aussi quelque chose de pratique. Beaucoup de femmes transportent toute leur vie dans leurs sacs. Voilà pourquoi je voulais vraiment définir ce que la femme Boss pourrait porter au jour le jour. »
Chargé de redéfinir les codes de la mode femme pour Hugo Boss depuis trois saisons, le créateur américain s’attaque donc cette saison au fameux sac idéal, celui qui remplirait parfaitement le cahier des charges du « vrai classique », celui qu’on garde, qu’on chérit et qu’on aime voir se patiner au fil du temps, comme un fidèle compagnon. Son nom : Boss Bespoke. Il nous en explique la genèse.
Contrainte n°1 : le pourquoi du comment. « Mon travail est de redéfinir le style de la maison au fil des saisons. Chaque collection est un nouveau chapitre de l’histoire que je veux raconter, mon interprétation contemporaine de la marque et de la femme Boss.
Au cours des deux premières saisons, nous avons mis l’accent sur le vestiaire : le costume bien sûr, qui est fondamental pour l’ADN de Hugo Boss, mais aussi les vestes, les chemises, les robes du soir, etc. Pour moi, l’étape suivante était logiquement les accessoires. »
Contrainte n°2 : le design. Des lignes pures, « élégantes et minimales » comme les qualifie Jason Wu. Une déclinaison en trois tailles, pour s’adapter au jour, au soir, à une sortie comme à une vie de business woman.
« Nous avons vraiment voulu intégrer style et fonctionnalité, l’idée qu’un objet doit être beau mais aussi parfaitement faire son travail. Et l‘on peut effectivement mettre beaucoup de choses dans ce sac. » Quant au logo, il se fait discret, pour ne pas dire invisible, à l’intérieur, dans le droit fil de la tradition d’un luxe d’initiés. Le Boss Bespoke est entièrement réalisé dans des ateliers dédiés à Florence.
Contrainte n°3 : la qualité. Fabriqué dans des ateliers dédiés à Florence, le Boss Bespoke a été travaillé sur la base de la technique du bonding, un contrecollage ultra fin du cuir double-face qui permet d’alléger au maximum le poids du sac.
Contrainte n°4 : le storytelling. Raconter une histoire et puiser dans l’héritage de la marque, voilà comment l’on crée du sens et un certain affect autour d’un accessoire.
Outre le cuir grainé noir ou taupe, pour le classicisme, Jason Wu a opté pour des matières extraites de ses collections de prêt-à-porter, telle la flanelle grise ou vermillon, le cuir bleu encre ou le pony noir, remplissant les conditions d’une mode pointue également exigée par les spécialistes et certaines clientes.
Hugo Boss étant à l’origine une maison dédiée aux hommes, sa mode féminine a naturellement hérité des codes du vestiaire masculin. Idem pour le nouveau sac : le fermoir est, par exemple, inspiré d’un bouton de manchette. « Le Boss Bespoke doit condenser une vision à 360° de la marque » conclut le créateur.
Contrainte n°5 : trouver le bon nom. Boss Bespoke. En français, « sur-mesure ». « Encore une fois, nous nous sommes retournés sur notre ADN, la garde-robe masculine, reprend Jason Wu. Et quelle est celle qui est la plus noble ? Celle qui est confectionnée sur-mesure.