Renault réunissait jeudi un conseil d'administration extraordinaire, après la décision de l'Etat de monter au capital du constructeur automobile français pour imposer l'application d'une loi anti-spéculateurs.
"Pour l'instant, il n'y a pas d'ordre du jour réel pour le conseil de ce soir, mais c'est forcément en lien avec ce qui a été mis en place par l'Etat", a indiqué à l'AFP Richard Gentil, administrateur salarié de Renault et membre de la CGT, évoquant un conseil convoqué à 17H00.
Bercy a indiqué il y a une semaine que l'Agence des participations de l'Etat allait acquérir 4,7% supplémentaires du capital du groupe au Losange, portant sa participation à 19,7%, pour le forcer à adopter des droits de vote doubles, mesure prévue par la "loi Florange".
Cette "loi visant à reconquérir l'économie réelle du 29 mars 2014 prévoit que sauf décision contraire des assemblées générales, les actionnaires qui conservent leurs titres pendant au moins deux ans sont récompensés par l'octroi de droits de vote doubles" lors des assemblées générales, avait rappelé Bercy.
Il s'agit en résumé de récompenser l'actionnariat à long terme et décourager les spéculateurs.
Le Journal officiel de jeudi publie un arrêté de Bercy autorisant "l'acquisition par l'Etat de 14 millions d'actions de la société Renault, représentant 4,73 % du capital, pour un montant compris entre 814 millions d?euros et 1.232 millions d'euros". L'Autorité des marchés financiers a de son côté précisé dans un avis que l'Etat avait eu recours à la Deutsche Bank pour organiser cette opération.
L'Etat contrôlera du coup 23,2% des droits de vote exerçables dans l'entreprise dirigée par Carlos Ghosn.
Au vu de l'actionnariat très éclaté de Renault, et d'un taux de participation aux assemblées générales bien inférieur à 100%, ce niveau devrait permettre à l'Etat de contrôler le tiers des voix lors de l'assemblée générale des actionnaires de Renault, prévue le 30 avril, et donc de bloquer une résolution soumise au vote des actionnaires qui rejetterait les droits de vote doubles.
Selon les Echos, qui ont révélé la convocation mercredi soir, la manoeuvre du gouvernement pourrait avoir indisposé Nissan, le partenaire japonais de Renault, qui détient environ 15% de son capital mais aucun droit de vote, et le pousser à réclamer une modification de l'alliance. Renault détient quant à lui quelque 44% du capital de Nissan.
- Sapin "pas fâché du tout" -
Contacté par l'AFP jeudi matin, le service de presse de Renault s'est refusé à tout commentaire. Le quartier général de Nissan au Japon n'a pas été plus loquace.
Pour M. Gentil, "la seule solution pour contrer l'Etat, c'est d'augmenter le quorum à l'assemblée générale des actionnaires (...) ou éventuellement de réactiver les voix de Nissan au sein de l'assemblée générale".
Selon lui, il faudrait pour cela que Renault passe sous les 40% de participation chez Nissan, une opération possible via une cession d'actions ou une augmentation de capital du constructeur japonais.
"On se doute que le patron (M. Ghosn, NDLR) est en colère, il y a eu main basse de l'Etat", a commenté le représentant des salariés, tout en affirmant que la CGT n'était "pas dupe" de cette "opération politicienne du gouvernement".
Interrogé à ce sujet jeudi matin sur France Inter, le ministre des Finances, Michel Sapin, a déclaré: "On n'est pas fâché du tout. Nous défendons les intérêts de l'Etat, c'est-à-dire les intérêts des Français, des contribuables".
"Il se trouve que certaines entreprises, pour nous ou pour d'autres d'ailleurs, cherchent à supprimer cette capacité de peser" via les votes doubles, a-t-il remarqué.
Firme nationalisée à la Libération, Renault est devenue une société anonyme au début des années 1990 et l'Etat s'en est progressivement désengagé.
Assurant que l'Etat "n'a absolument pas, ni le pouvoir ni la volonté de prendre le pouvoir" chez Renault, M. Sapin a prévenu: "Je suis de ceux qui considèrent que les entreprises privées, même quand l'Etat est présent, doivent être gérées comme toutes les entreprises. Mais quand l'Etat est là, l'Etat pèse".
Le cours du titre Renault à la bourse de Paris ne semblait pas souffrir de cette controverse, progressant de près de 3% jeudi en milieu de matinée, dans un marché à l'équilibre.
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