Quelle maladie étrange ronge depuis quelques années le buis? Cet arbuste, symbole des "jardins à la française" chers à Le Nôtre, dépérit, au grand dam des propriétaires de nombreux lieux du patrimoine tels que le château de Vaux-le-Vicomte (Seine-et-Marne).
Sous un soleil printanier, les visiteurs du château, situé à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Paris, se pressent pour voir ce fleuron du patrimoine du XVIIe siècle, édifié par Nicolas Fouquet, surintendant de Louis XIV, et se promener dans son jardin conçu par le paysagiste André Le Nôtre (1613-1700).
Allées géométriques, arabesques végétales, arbustes taillés au millimètre près... Sur 33 hectares, 230.000 pieds de buis font la réputation des lieux depuis quatre siècles. Mais quand on s'approche de cet écrin de verdure, on découvre des arbustes dont les feuilles sont souvent orangées, les rameaux nus, clairsemés.
"Sur l?ensemble des broderies de buis de Vaux-le-Vicomte, on estime entre 20 à 25% ceux qui ont été touchés par la maladie et qui sont donc morts", explique Alexandre de Vogüè, copropriétaire de ce château, dans sa famille depuis 1875, et directeur de la communication et du mécénat.
La "maladie" c'est celle du dépérissement du buis, causée par le "volutella buxi", un champignon qui prospère en milieu humide, pénètrant dans les sols. A cela s'ajoute un fléau venu d'Asie, la "pyrale": ce papillon pond des ?ufs et engendre une multitude de chenilles qui vont dévorer les feuilles en un rien de temps.
Jardin du Luxembourg, Versailles... plusieurs lieux emblématiques sont touchés.
"Le buis est une plante présente dans de nombreux types d'espaces verts: jardins patrimoniaux, à la française, publics. On ne le remarque parfois même pas tant il est présent au quotidien. Aujourd'hui, tous ces paysages sont affectés par la pyrale du buis et la maladie du dépérissement", explique à l'AFP Caroline Gutleben, directrice de l'institut "Plante et cité" et coordinatrice de "Save Buxus", un programme national pour sauver le buis.
- "L'art des jardins en péril" -
Selon elle, "l'art des jardins est en péril pour les prochaines années". "On peut espérer sauvegarder le patrimoine mais pas éradiquer ces maladies déjà fortement présentes sur le territoire national et en Europe", explique Mme Gutleben.
Dans sa voiturette électrique, Patrick Borgeot, chef jardinier de Vaux-le-Vicomte depuis 8 ans, fait le tour des buis centenaires. "Ça devient très compliqué de travailler, se désole-t-il. Un jardinier est là pour entretenir, pas pour passer son temps à se battre contre les maladies".
Pour l'heure, il n'y a pas de solution miracle pour anéantir ces maladies "super-résistantes". Les produits phytosanitaires sont efficaces, mais ils ne sont que préventifs, poursuit M. Borgeot, et des traitements répétés peuvent s'avérer néfastes pour l'environnement.
Alors, dans un petit coin du jardin, le chef teste d'autres variétés. Sans grand succès. En outre, il faut être certain de la "pérennité des végétaux qui serviront en remplacement. Le buis, c'est quasiment la plante idéale, ça demande peu d'entretien, ça pousse dans tous les sens et ça permet de faire des dessins."
"On a tendance à penser que les jardins, c'est juste joli mais ces jardins à la française sont quand même une partie de l'image de la France. Si la totalité des buis meurent, ça aura un impact économique important", présage-t-il.
Confronté à ce fléau depuis environ quatre ans, le château a organisé en mars une journée d'étude avec des spécialistes européens, qui a hélas "montré que les moyens de lutte" étaient "compliqués et aléatoires", selon M. de Vogüè.
Pas fataliste, le châtelain invoque les lois de la nature contre lesquelles il est difficile de lutter. "On veut garder nos broderies mais c'est du végétal: ça vit, ça meurt, ça renaît, ça se remplace... L'évolution de cette ?uvre naturelle donne de la vie à ce monument. Le jardin de Vaux-le-Vicomte n'est pas un musée figé".
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